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L’alheira, la saucisse traditionnelle portugaise

Alheira

Comme nous vous l’expliquions dans un article déjà paru, le Portugal est un pays qui nous a vraiment marqué, Sandrine et moi-même. Le Portugal gagne à être connu pour sa culture et pour sa cuisine. En fait, bien souvent, on résume le Portugal à la préparation de ses poissons. Et du bacalhau en particulier. Le bacalhau, c’est le nom portugais pour la morue. Un poisson qui n’a pas beaucoup de reconnaissance chez nous et qui est même fort péjoratif lorsqu’on l’attribue à quelqu’un. Et pourtant, les Portugais, ce peuple de marins, en a fait une des bases de sa cuisine !

Oui, les Portugais étaient des marins. C’est l’un des premiers peuples européens a s’être lancé dans l’aventure colonialiste, et à ouvrir des comptoirs marchands aux quatre coins du monde. En Asie, il y avait Macao, connu aujourd’hui pour ses casinos. En Afrique, il y avait l’Angola et le Mozambique de part et d’autre du continent ainsi que plusieurs archipels. Aux Amériques, il y avait le Brésil, source de richesses presque infinies. Le Portugal possédait pas mal de comptoirs en Inde, qui se résumaient souvent à des villes côtières, comme Goa, par exemple. Aujourd’hui, il en reste de nombreuses traces dans leur cuisine, qui se veut multiculturelle quoique fort attachée à sa terre natale.

Pour autant, les Portugais savaient aussi préparer la viande, et pas que le poisson. Le meilleur exemple qu’on peut donner, c’est la saucisse traditionnelle portugaise, l’alheira.

Les origines de l’alheira

L’alheira est une préparation de saucisse traditionnelle. En fait, comme d’autres plats portugais, ce sont les Juifs de la péninsule ibérique qui en sont à l’origine. Cette communauté, on l’appelle les marranes. Et comme pour tous les Juifs, ils étaient persécutés au Moyen-âge, époque où cette saucisse fut inventée. Un autre plat qui fut inventé par eux, ce sont les maranhos.

L’histoire de la saucisse alheira n’a rien de plaisant. Les Juifs l’ont inventée pour échapper aux persécutions. Et pour éviter d’être dénoncé à l’Inquisition. Nous rappelons qu’à l’époque, l’église chrétienne était très présente et avait beaucoup d’influence dans la péninsule ibérique. Peut-être plus encore qu’en France. Mais les ravages étaient les mêmes.

Donc, pour éviter les dénonciations, les Juifs ont tenté de se fondre dans la masse et qu’on ne puisse plus les reconnaître. Or, à l’époque, le cochon, et donc la viande de porc, était une des viandes les plus consommées. Et les Juifs ne consomment pas de porc puisque c’est interdit pour leur religion. Il était donc facile d’identifier qui mangeait ou non des saucisses.

C’est ainsi que l’idée de l’alheira est née. Une saucisse qui ne contient pas de porc, mais qui reste fumée. Pour détourner le regard des bourreaux de l’Inquisition.

L’alheira contenaient un mélange de viandes. De celles qu’on trouvait à l’époque dans ces contrées. Cela pouvait être du veau, du lapin ou de la volaille comme du perdrix, du poulet, de la dinde, etc. Et pour lui donne la consistance d’une saucisse, ou lui rajoutait de la mie de pain. Ainsi, les Juifs avaient de belles saucisses dans les fumoirs qui se confondaient aux autres.

Pied de nez à l’Histoire, les Chrétiens ont eux-mêmes fini par adopter l’alheira. Une saucisse au mélange de viandes qui coûtait moins cher dans les temps difficiles.

Alheira

Notre découverte de l’alheira

L’alheira, nous l’avons découverte par hasard. Un peu comme la plupart des plats que nous avons goûté au cours de nos voyages. En fait, nous sommes toujours ouverts à goûter de nouvelles saveurs et à découvrir les plaisirs gustatifs que peuvent nous offrir de nouvelles expériences.

Nous étions dans un restaurant en bordure de mer, à proximité de Porto. Et sur la carte, nous avions vu qu’il proposait cette saucisse en plat préparé. Après avoir demandé quelques explications au chef, nous en avons commandé pour goûter, et tout simplement découvrir ce qui se cachait derrière ce nom.

Préparée avec des accompagnements, son goût n’est pas loin de la saucisse traditionnelle. L’alheira est fumée, ce qui lui donne un goût plus prononcé. Et ma foi, pas désagréable.

Même seule, elle est délicieuse.

En fait, le plus gros avantage de cette saucisse, c’est le goût. Celui que donne les différentes viandes qui entrent dans sa composition. En fonction de cela, le goût peut changer du tout au tout. Parce qu’une saucisse de dinde ne goûtera jamais la même chose qu’une saucisse de porc.

Mais surtout, son goût provient de la marinade. Avant d’être mélangée, les viandes marinent longuement dans un jus. Ce qu’on met dedans dépend de ce que l’on a (si on le fait soi-même) ou du goût qu’on veut donner.

En général, la marinade se compose de vin blanc avec de l’ail, du poivre et d’autres aromates. Une fois que la viande est bien marinée, on la fume et on la monte en saucisse.

Comment la déguster ?

L’alheira, tout le monde peut en faire. Il n’y a pas une recette. Il y a autant de recettes que de Portugais. Les anciens en préparaient chez eux avec ce qu’ils avaient sous la main. Et c’est ça qui donne le goût unique de la saucisse.

Cela dit, il y a des régions qui en ont fait une spécialité… C’est le cas des régions de Trás-os-Montes et Beira Alta. Et l‘alheira de Mirandela est la plus connue de toute et la plus appréciée. En France, c’est sur cette appellation qu’il faut chercher, car c’est celle qui s’exporte le plus.

Pour la déguster, une saucisse simple exige un accompagnement simple. En tant que restaurateurs, nous aimons garder le côté terroir de la nourriture. Et si vous allez au Portugal, l’alheira se cuit dans de l’huile d’olive et se mange avec des légumes verts : épinards, fanes de navet ou chou.